Les principes de l’équitation éthologique

L’équitation éthologique rassemble des techniques d’éducation du cheval, issues du horsemanship américain pratiqué par les « chuchoteurs », et des connaissances scientifiques sur le comportement du cheval : l’éthologie équine. Son objectif : prendre en compte la nature du cheval pour veiller à son bien-être.

De l’éthologie équine à l’équitation éthologique

Il est important de distinguer l’équitation éthologique de l’éthologie équine qui s’attache à décrire et à comprendre les comportements du cheval. Discipline scientifique à part entière qui étudie le comportement des animaux en milieu naturel, l’éthologie équine connaît ses lettres de noblesse en 1973 quand Niko Tinbergen, Karl von Frisch et Konrad Lorenz obtiennent le Prix Nobel de Médecine pour des travaux sur le comportement animal, chacun dans des domaines différents.

 

  • Avant 1930, la phase de formation de la discipline est qualifiée d’éthologie naturaliste.
  • Par la suite et jusqu’aux années 1960 la phase classique se caractérise par une opposition entre la vision objectiviste européenne et l’approche behaviouriste développée aux Etats-Unis.
  • Enfin depuis les années 60, la discipline scientifique est entrée dans une phase de maturité, appelée éthologie moderne. Elle connait différents mouvements dans la communauté scientifique.

Il faut attendre la fin du XXème siècle pour qu’apparaisse aux États-Unis l’équitation éthologique, une méthode d’éducation du cheval basée sur la compréhension de sa nature profonde et de son comportement pour mieux communiquer avec lui.

Le cheval, un animal sensible et complexe

Le cheval est un grand mammifère de la famille des équidés. Proie herbivore, le cheval à l’inverse de la vache ne rumine pas. Son système digestif particulièrement fragile l’empêche même de vomir.         

Tout comme l’Homme, le cheval possède différents sens lui permettant d’analyser le monde extérieur. Parmi les 5 sens du cheval, on retrouve notamment la vue, l’odorat, le goût, l’ouïe et le toucher, qui sont identiques à ceux des êtres humains. Il existe cependant quelques différences notables dans leur utilisation :

La vue

Le cheval ne voit pas immédiatement devant lui, sur une distance pouvant atteindre 2 mètres, ni à l’arrière, dans le prolongement de son corps. Très sensible aux contrastes, il a besoin de longues minutes d’adaptation lors des changements brusques d’intensité lumineuse. Mais il voit ensuite parfaitement dans l’obscurité et dans la nuit. Sa vision des couleurs semble également différente de la nôtre.

L’odorat

Le cheval possède, comme de nombreux autres animaux, un organe spécialisé appelé organe voméronasal ou de Jacobson. Il lui permet d’analyser les molécules émises par ses congénères, les phéromones, contenues par exemple dans l’urine des juments en chaleurs.

Le goût

Alors qu’une grande attention est portée à l’alimentation du cheval, on ne connait paradoxalement que très peu de choses sur ses capacités gustatives.Une chose est sûre, il possède, comme l’Homme, 4 types de papilles gustatives. Ces dernières sont concentrées sur la langue et lui permettent de distinguer le sucré, le salé, l’amer et l’acide.

L’ouïe

Le champ auditif du cheval est bien supérieur au nôtre puisqu’il entend des ultrasons. C’est-à-dire des sons très aigus que l’Homme ne perçoit pas. A l’inverse, ce dernier est sensible à des sons graves, ou de basse fréquence, inaudibles pour le cheval. Notre voix fait, par chance, partie des gammes de son que le cheval entend le mieux.

Le toucher

Très sensible au toucher, le cheval possédé quelques particularités anatomiques : les vibrisses et les muscles peauciers, frémissant par reflexe lorsqu’un insecte se pose sur la peau.

La domestication du cheval

La contrepartie de la domestication

Si la domestication procure confort et sécurité au cheval qui n’a, par exemple, plus besoin de trouver lui-même sa nourriture, elle apporte également son lot de conséquences négatives. En effet, cette vie au contact de l’Homme en est considérablement impactée…

Alimentation du cheval 

Les besoins nutritifs du cheval domestique, nourri avec des aliments très riches, sont couverts très rapidement. Il passe une grande partie de sa journée en « repos forcé ». L’ absence de fibres dans son alimentation (herbe, foin, etc.) est également préjudiciable pour le cheval dont le système digestif est conçu pour être actif en permanence. Risques liés : ulcères gastriques, coliques, trop d’énergie, obésité, maigreur…

Habitat du cheval

Le box individuel est toujours, à l’heure actuelle, le mode d’hébergement le plus répandu. S’il protège le cheval des intempéries et des insectes et lui offre une litière propre et confortable, elle le prive également de mouvements et de contacts sociaux, indispensables à son bien-être. Risques liés : apathie, agressivité envers les humains ou ses congénères…

Activités

En conditions naturelles, le cheval parcourt une dizaine de kilomètres par jour, essentiellement au pas. A l’opposé, les sorties qu’un cavalier propose à sa monture sont courtes, intenses et basées sur des allures beaucoup plus vives : le trot et le galop. Risques liés : défoulement lors du travail monté ou à la longe, boiterie, mal de dos

Les stéréotypies, un signe de mal-être

Décrites comme des mouvements répétitifs sans but ni fonction apparents, elles permettraient au cheval de supporter son environnement domestique. Il est donc fortement déconseillé de l’empêcher de tiquer mais préférable d’en chercher la cause. Quelques exemples : tic à l’appui, tic à l’air, tic de l’ours, langue serpentine, déambulation… Le tic à l’appui est l’une des stéréotypies équines les plus communes. Le cheval prend appui avec ses incisives sur un support et contracte son encolure en produisant un son rauque.

Le langage du cheval

Comprendre comment le cheval communique

La communication visuelle

La communication visuelle est le moyen privilégié par le cheval pour transmettre des informations à ses congénères. Il dispose pour cela de nombreuses postures dans lesquelles chaque partie du corps a un rôle à jouer. Ainsi, son langage corporel comprend une large gamme d’expressions faciales qui serait plus riche que celle du chien et même du chimpanzé !

Le passage d’une posture à une autre est progressif pour laisser le temps au cheval visé de réagir et éviter ainsi d’en venir au contact physique.

La communication olfactive

Dans le langage du cheval, la communication olfactive est utilisée dans le cadre de la reconnaissance individuelle. Elle est particulièrement utilisée par les étalons, pour analyser l’urine et les crottins des juments en chaleurs. L’odorat intervient également dans le comportement de marquage au cours duquel les étalons manifestent leur présence en recouvrant les crottins qui ne lui appartiennent pas.

Au cours des salutations, les chevaux se soufflent mutuellement de l’air dans les naseaux afin d’analyser l’odeur corporelle du congénère.

Le passage d’une posture à une autre est progressif pour laisser le temps au cheval visé de réagir et éviter ainsi d’en venir au contact physique.

La communication sonore

La communication sonore comprend deux catégories de sons. Premièrement, les vocalisations émises par les cordes vocales (hennissement, appel de contact, couinement, gémissement). Puis, celles seulement produites par l’inspiration ou l’expiration d’air (ronflement, ébrouement, souffle). Chacune d’entre elles est émise dans un contexte bien particulier du langage du cheval. Elles ont donc des significations bien distinctes.

Émis la bouche ouverte, le hennissement peut être entendu jusqu’à 1 km. Il est utilisé pour rétablir le contact lors d’une séparation.

La communication tactile

La communication tactile est majoritairement réservée aux relations d’affinités entre partenaires privilégiés. Pour le toilettage mutuel, la tête appuyée sur le congénère ou tête-bêche pour se chasser les mouches, par exemple. Néanmoins, des contacts physiques peuvent parfois intervenir dans des contextes moins positifs : morsures, ruades, combats …

Les contacts tactiles entre partenaires préférés renforcent ainsi les liens sociaux entre chevaux.

Le quotidien du cheval

Comment le cheval répartit son temps

Si la domestication procure confort et sécurité au quotidien du cheval qui n’a, par exemple, plus besoin de trouver lui-même sa nourriture, elle apporte également son lot de conséquences négatives. En effet, cette vie au contact de l’Homme en est considérablement impactée…

Alimentation

A l’état naturel, le cheval reste rarement plus de 3h30 sans manger. Il broute, tout en étant mobile, plus de 60% de son temps.
Le cheval est herbivore, son alimentation est variée : de l’herbe, mais aussi des feuilles, des baies, de la mousse, de l’écorce …
Le mâle possède 40 dents, la femelle généralement 36. Les incisives permettent au cheval de pratiquer un pâturage très ras.

Déplacement

Les chevaux vivent sur un domaine vital où ils trouvent tout ce dont ils ont besoin : congénères, eau, nourriture, abris… Il peut être partagé avec d’autres familles. Le cheval n’est donc pas un animal territorial.

4 à 8% de la journée est consacré aux déplacements, majoritairement au pas et en file indienne, entre les différentes zones d’intérêts.

Le cheval façonne ainsi son environnement et crée des pistes en empruntant toujours les mêmes chemins.

Repos

Le repos, debout ou couché, occupe 20 à 30% de la journée du cheval. Il se décline en plusieurs cycles de 30 à 60 minutes, notamment en raison de sa masse importante qui entraine à long terme un écrasement des organes internes.
Le sommeil paradoxal, période où le cheval dort profondément et où se développent les rêves, ne peut survenir que lorsque le cheval est allongé.

Vigilance

Le cheval consacre 4 à 8% de sa journée à la surveillance de son environnement. Si un élément suspect est repéré, il le signale au groupe par une posture d’alerte et l’émissions de signaux sonores.

L’étalon passe davantage de temps en observation que les juments. Il surveille en effet les dangers éventuels et la venue de concurrents potentiels.

Et le reste ? 

Enfin, le temps restant du quotidien du cheval est consacré aux comportements sociaux, à la reproduction et aux comportements dits de maintenance : uriner, déféquer, se gratter, se rouler, boire, etc.

L'organisation sociale du cheval

Les différentes structures sociales du cheval

L’organisation sociale du cheval évolue au cours de sa vie. En effet, solitaire, en groupe de célibataires ou en troupeau, le cheval connaît différents types de structures sociales. Il doit ainsi s’adapter aux situations et aux congénères qu’il rencontre. Chaque structure possède des caractéristiques propres qui rendent ainsi l’organisation sociale du cheval variée et différente de celle de l’Homme.

La famille

La famille, aussi appelée “harem“, est généralement composée de plusieurs équidés. D’un étalon, parfois deux en cas d’alliance, d’une à trois juments, des poulains de l’année. Des jeunes peuvent également être présents jusqu’à l’âge de 2 ou 3 ans.

Les jeunes mâles intègrent ensuite un groupe d’étalons célibataires.
Les jeunes femelles peuvent les rejoindre, être récupérées par un autre étalon ou demeurer dans leur groupe d’origine si leur père n’en est plus à la tête.

La famille est une structure stable et multi-âges.

Le groupe de mâles célibataires

Ce groupe est composé des jeunes n’ayant pas encore leur propre groupe et de mâles de tous âges.

C’est à ce moment là que les jeunes mâles y apprennent les codes sociaux utiles à leur vie future : combats, conduite, montes de jeu, rituels autour des crottins, etc.

Cette structure est moins stable que la famille en raison des départs et arrivées réguliers de chevaux de tous âges.

La vie en solitaire

Les jeunes mâles quittent le groupe de célibataires vers l’âge de 5 ans. Ils peuvent alors vivre seuls un moment avant de constituer leur harem ou d’en récupérer un. Le vieux mâle qui est quant à lieu destitué pourra ainsi à son tour être amené à vivre seul un moment.

Le cavalier, un éducateur

La nature du cheval est différente de la nôtre. C’est pourquoi il est important de le connaître et de le comprendre afin d’améliorer notre relation avec lui. Comprendre le cheval, comment il perçoit les choses et comment il les apprend, enrichit la pratique de l’équitation.

En se consacrant à l’équitation éthologique, le cavalier devient un éducateur. Il s’adresse au cerveau du cheval et pas seulement à son physique. Il est donc important d’expliquer au cheval, de ne pas le forcer mais plutôt de le convaincre. C’est au cavalier de trouver les moyens de lui faire comprendre et le faire adhérer à ce qu’il lui demande pour que son physique s’exprime.

Textes de Déborah Bardou et Hélène Roche, éthologues – Photos Hélène Roche